vendredi 13 juillet 2018

Chronique : La formule préférée du professeur, Yôko Ogawa



Auteur : Yôko OGAWA
Titre : La formule préférée du professeur

Edition : Babel
Fiction

Ma note : Coup de coeur (💗)



La formule préférée du professeur a été pour moi une véritable surprise. Depuis quelques temps déjà, j’avais pour ambition de découvrir la littérature asiatique – et plus particulièrement japonaise – et Yôko Ogawa est le premier auteur, outre Haruki Murakami et Yukio Mishima, sur lequel j’ai jeté mon dévolu. Il m’a été conseillé par une vendeuse après un court échange et je ne regrette absolument pas de l’avoir écoutée (faites confiance à vos libraires : si vous prenez le temps de converser avec eux, vous découvrirez un univers fait d’ouvrages magiques dont vous ne soupçonnez même pas l’existence !).

Mon premier a priori était plutôt négatif – mon passif avec les mathématiques me donnait de bonnes raisons de me méfier un peu – et la quatrième de couverture ne m’a pas permis de me faire un véritable avis sur ce que je pensais de l’ouvrage avant d’entamer ma lecture.

« Une aide-ménagère est embauchée chez un ancien mathématicien, un homme d’une soixantaine d’années dont la carrière a été brutalement interrompue par un accident de voiture, catastrophe qui a réduit l’autonomie de sa mémoire à quatre-vingts minutes. Chaque matin en arrivant chez lui, la jeune femme doit à nouveau se présenter – le professeur oublie son existence d’un jour à l’autre – mais c’est avec beaucoup de patience, de gentillesse et d’attention qu’elle gagne sa confiance et, à sa demande, lui présente son fils âgé de dix ans. Commence alors entre eux une magnifique relation. »


Et effectivement, je me suis laissée prendre au piège de la relation qu’ont noué le vieux professeur à la mémoire réduite et le fils du personnage principal qui ne connait rien des mathématiques.

Ce livre est un magnifique témoignage d’une rencontre, d’un apprentissage mutuel, d’affection et d’altruisme de la part de chacun des personnages principaux. J’avais peur que la dimension mathématique présente n’altère à mes yeux la qualité du récit mais, au contraire, chaque propriété numérique glissée par l’auteur ajoutait aux personnages une dimension supplémentaire, leur donnait une épaisseur, du réalisme.

Je me suis prise au jeu, oubliant même ma difficulté à naviguer entre les chiffres, les formules et les calculs. Plus encore, cet ouvrage est parvenu à me réconcilier avec les mathématiques dont je ne trouvais aucune utilité qui aurait pu me permettre de passer outre mon aversion.
« C’est justement parce que cela ne sert à rien dans la vie réelle que l’ordre des mathématiques est beau. Même si la nature des nombres premiers est révélée, la vie ne devient pas plus aisée, on ne gagne pas plus d’argent. Bien sûr, on a beau tourner le dos au monde, on peut sans doute trouver autant de cas que l’on veut pour lesquels les découvertes mathématiques ont fini par être mises en pratique dans la réalité. Les recherches sur les ellipses ont donné les orbites des planètes, la géométrie non-euclidienne a produit les formes de l’univers selon Einstein. C’est laid. Mais ce n’est pas le but des mathématiques. Le but des mathématiques est uniquement de faire apparaître la vérité »  (page 156, La formule préférée du professeur, Yôko Ogawa, édition Babel).
C’est un livre plein d’émotions, qui m’a arraché quelques larmes sur les dernières pages, qui m’a donné envie de retourner voir mes anciens professeurs de mathématiques pour m’intéresser une nouvelle fois à leur matière, à la manière du professeur.